Présentation

Nicolas Bailleul est graphiste et artiste plasticien. Il vit et travaille à Paris.

Après ses études d’art à Strasbourg, il s’intéresse aux pratiques amateurs (désignées ou revendiquées comme telles) et plus particulièrement dans le champ de la vidéo, à l’ère d’internet. Nicolas n’est ni youtuber ni streamer, mais utilise/détourne leurs outils de captation et investit/infiltre leurs espaces de diffusion et de rencontre. Il réalise des dispositifs narratifs pour faire le récit de ses recherches.

Le projet

Les Survivants

« Le jeu vidéo en ligne fait désormais partie de mon quotidien. Je rencontre des nouveaux joueurs tous les jours et j’archive depuis maintenant plus d’un an, ces rencontres. J’ai initié ce projet lors d’une résidence à la Villa Belleville à Paris, entre juin et septembre 2017. L’atelier qui m’était alloué s’est transformé en un espace de jeu et de recherche. Le protocole est le suivant : je capture la partie, je me filme à l’aide d’une webcam, et j’enregistre les discussions avec mes coéquipiers, via l’interface de chat vocal, devenu indispensable pour la collaboration multijoueur.

J’ai enregistré plus d’une centaine d’heures de mes parties avec des joueurs rencontrés sur des forums et sur Discord, un logiciel gratuit de VoIP conçu pour les communautés de joueurs. J’ai récolté un ensemble de témoignages, histoires, anecdotes, et confessions de joueurs, dans un format propre au dispositif de rencontre du jeu en ligne.

Le jeu sur lequel j’ai basé mes recherches se nomme Player Unknown’s Battleground, un jeu de simulation militaire dans lequel 100 joueurs, parachutés sur une île, devront combattre les uns contre les autres jusqu’à que l’un d’eux devienne l’ultime survivant. Ce jeu, très difficile dans ses mécaniques, nécessite, si on joue en équipe, une grande collaboration entre les coéquipiers car la mort d’un joueur est définitive. Il faut constamment surveiller ses arrières, se couvrir mutuellement, se refiler de l’équipement et avertir des dangers imminents. Les joueurs discutent entre eux dans un langage optimisé (issu des méthodes de communication militaires) pour donner l’information à son/ses coéquipier(s) le plus rapidement et le plus efficacement possible.

Quand je demande aux joueurs si je peux enregistrer la partie et nos échanges, la réponse est majoritairement positive. Faire des vidéos de jeu est une pratique répandue sur internet. Mais je me distingue de la plupart des youtubers et des streamers qui cherchent surtout à montrer des phases de gameplay ou des performances de jeu. Mon vrai sujet d’étude ce sont les joueurs. Ceux qui se cachent derrière leur avatar, sans leur uniforme de guerre. C’est à eux que je m’adresse, et c’est chez eux, dans leur chambre fermée et si difficile d’accès, que je tente de m’infiltrer. Je fais des portraits de joueur en passant par l’interface qu’ils connaissent le mieux. Le résultat est assez surprenant. J’ai été fasciné par la manière dont les joueurs se racontent. J’ai entendu des discours sur la vie, des descriptions de projets inaboutis, des rêveries et des coups de gueules. Des profils atypiques, touchants, drôles qui m’ont souvent laissé une impression de tristesse, de frustration, d’enfermement.

Et c’est souvent quand ils se dévoilent le plus que la fiction du jeu nous ramène brusquement à la réalité : on essuie des tirs ennemis, il faut rapidement réagir pour ne pas mourir.

J’ai appelé ce projet Les Survivants. »

Entretien - Extraits

« Je pense qu’on arrive à un moment de l’Histoire où l’on ne peut plus faire sans la technologie, en tout cas où l’on ne peut plus s’abstenir de la prendre en compte. On est obligé de considérer la présence du numérique dans une société, et de se poser la question de ce qu’il génère, en termes de relations humaines, d’économie, de politique.
[…]
On n’a pas arrêté de fantasmer sur les technologies futures, ça a d’ailleurs été le sujet de nombreux films, de livres, de séries qui ont nourri notre imaginaire collectif. On s’aperçoit aujourd’hui que tout est déjà présent dans notre société. Tout est déjà surréaliste, on s’aperçoit qu’une technologie qui aurait pu faire l’objet d’un livre, quelque chose d’incroyable, est déjà sur le marché donc on n’est plus dans un rapport prospectif à la technologie, où l’on imaginerait le pire, où l’on imaginerait le mieux.
Tout ce qu’on peut imaginer est en train d’arriver. »

Lire l’entretien complet

En video


Liens et ressources

http://nicolasbailleul.fr

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